Le 29 novembre 2012, la Radio Suisse Romande a émis une émission sur le Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie (TPIY) suite à l’acquittement de Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj. Cet acquittement suivait à deux semaines près celui de Ante Gotovina et Dragan Markac, deux généraux croates. Pour cette émission, les journalistes de la RTS ont cru bon de titrer « Le TPIY, un tribunal qui ne sait condamner que les Serbes ? » Une erreur…

Dès le titre, cette émission s’annonce bizarre. Que veut dire « un tribunal qui ne sait condamner que les Serbes » ? Est-ce que pour le journaliste, le TPIY devrait condamner le même nombre d’individus par groupe ethnique, cela dans le but de respecter un esprit « d’équité » entre les peuples ? Par exemple, s’il condamnait un jour un serbe, le lendemain, il devrait condamner un albanais, un bosniaque, un croate ou un slovène. Où serait la Justice dans ce procédé ? Faudrait-il condamner des innocents ou innocenter des coupables ? Si cela représente une « justice » pour certains, ce n’est pas la mienne. La Justice n’a pas à ménager une partie plutôt qu’une autre par esprit d’équité. Elle juge ce qui est juste ! Elle pose vos actes sur la balance, elle n’a que faire de ce que vous êtes (groupe ethnique/linguistique/religieux) et elle tranche si vous êtes coupable.
Ensuite, on peut discuter sur le choix des intervenants : Carla Del Ponte et Slobodan Despot. Bien que durant la « discussion », on nous dit qu’ils sont souvent en désaccord, j’ai le sentiment que les deux intervenants ont été d’accord sur bien des points… À tel point qu’à la fin de la discussion (ou du monologue) Slobodan Del Ponte « discute » avec Carla Despot. C’est pourquoi, je me demande bien si l’un des deux n’était pas de trop. Ou peut-être aurait-il fallu quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui aurait pu représenter un autre camp.
Une personne qui aurait rappelé :
– que Slobodan Milosevic alias le « Boucher des Balkans » (inculpé pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide*) est l’un des principaux artisans de ce bain de sang et qu’après son arrestation, il est mort sans avoir été jugé ;
– que Radovan Karadžić (inculpé pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide*) a longtemps vécu « incognito » en plein Belgrade. Il était devenu spécialiste de médecine alternative dans une clinique, participant de plusieurs conférences et rédacteur de plusieurs articles dans un magazine de santé. Il reste convaincu de sa bonne fois.
– que Ratko Mladić (inculpé pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide*) vit « incognito » en Serbie. Bien qu’il continue de recevoir sa pension de militaire, il est « traqué » par Belgrade.
– que Tomislav Nikolić, le Président de la Serbie, a réfuté le fait qu’il y avait eu un génocide à Srebrenica.
– qu’Ivica Dačić, le Premier-ministre de Serbie, a été le porte-parole de Milosevic et qu’il a récemment déclaré que s’il croise Hashim Thaçi (Premier-ministre du Kosovo) dans une guerre, il le tuerait.
– qu’Ivan Mrkić, un proche de Milosevic, est l’actuel Ministre des affaires étrangères de Serbie.
– que Vojislav Šešelj, ancien Vice-Président de Milosevic, est au TPIY pour être jugé pour crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Qu’il est un ancien proche du Président Nikolić.
– que Carla Del Ponte a été accusée par ce même Šešelj d’avoir exercé des pressions sur les témoins à charge (chantage, menaces, pots-de-vin).

Ce que Slobodan Despot a fait dire à Carla Del Ponte, je peux aussi le dire pour les Albanais du Kosovo. Lorsqu’on sait qu’il y a au sommet du pouvoir des personnes qui ont participé, collaboré ou accepté le régime de Milosevic, on ne peut qu’être sûr que le Kosovo ne peut redevenir une province soumise à Belgarde, cela malgré les promesses de Tomislav Nikolić. Bien que nous demeurions de l’autre côté de la frontière, nous restons attentifs au sort des Albanais de la vallée de Preshev et leur sort semble loin des promesses du nouveau Président.
Tout cela pour dire qu’entre la Serbie de Milosevic et celle d’aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de différence. Peut-être dans la stratégie de défense. Aujourd’hui, les Serbes cherchent à se victimer.
Ils auraient été les victimes de plusieurs guerres. Ils en ont déclenché quatre (Slovénie, Croatie, Bosnie, Kosovo) en 7 ans ! Ils auraient été victimes de trafics d’organes, des déportations, de meurtres. Ils ont oublié qu’ils sont les coupables de Srebrenica et de Raçak, des viols, des déportations, des maisons détruites. Aujourd’hui, ils sont les victimes d’un tribunal… Mais pour citer un proverbe : « Qui sème le vent, récolte la tempête. »
Voici le lien pour écouter la « discussion ».
Autre lien pour écouter la réaction de Micheline Calmy-Rey suite aux déclarations de Carla Del Ponte.
*Je n’ai pas mis l’entier de l’acte d’accusation.
