Petite Poucette – Michel Serres

Il y a quelques semaines, en zappant, j’étais tombé sur une émission qui faisait la promotion du livre « Petite Poucette ». Un « vieil » homme de 82 ans, qui se disait « jeune », parlait de la société d’aujourd’hui, la société à l’ère du numérique. Cet homme était Michel Serres. Dans son livre, il fait un parallèle entre l’émergence du numérique et les inventions de l’écriture et de l’imprimerie. Pour lui donc, nous sommes au premier rang d’une troisième révolution.

Le livre :
Le livre est divisé en trois parties : Petite Poucette, École et Société.

La première partie est consacrée à l’Individu nommé anonymement « Petite Poucette ». Dans cette partie, Michel Serres présente l’évolution de Petite Poucette, son rapport avec le monde. Pour lui, Petite Poucette ne vit pas dans la même société que celle de la génération d’avant. Son rapport à l’espace, à la famille, à la société a changé. Son existence citadine l’a éloigné de la nature qu’elle admire avec distance, la « proximité » des villes qui a fait du monde un petit village et bien d’autres choses…

« Ils sont formatés par les médias, diffusés par des adultes qui ont méticuleusement détruit leur faculté d’attention en réduisant la durée des images à sept secondes et le temps à des réponses aux questions à quinze chiffres officiels ; dont le mot le plus répété est « mort » et l’image la plus représentée celle des cadavres. Dès l’âge de douze ans, ces adultes-là les forcèrent à voir plus de vingt mille meurtres. »

La partie de l’école parle beaucoup du savoir. La façon dont nous le partageons ou son accessibilité qui n’est plus la même. Autrefois, Petite Poucette devait aller dans des salles de cours ou des bibliothèques, elle l’a maintenant tenant main. Le coût des études se pose ainsi vu que Petite Poucette peut avoir accès au savoir par le biais d’Internet. Les méthodes d’apprentissage vont être à présent différentes.

« Quand apparut l’imprimerie, Montaigne préféra, je l’ai dit, une tête bien faite à un savoir accumulé, puisque ce cumul, déjà objectivé, gisait dans le livre, sur les étagères de sa librairie ; avant Gutenberg, il fallait savoir par cœur Thucydide et Tacite si l’on pratiquait l’histoire, […] donc en avoir plein la tête. Économie : se souvenir de la place du volume sur le rayon de la librairie coûte moins cher en mémoire que retenir son contenu. Nouvelle économie radicale celle-là : nul n’a même plus besoin de retenir la place, un moteur de recherche s’en charge. »

La troisième partie se consacre à la société en général. Elle traite de la place du travail, des hôpitaux, des gares et aéroports et de la démocratie et de la complexité qu’elle engendre.

« Utilisant la vieille présomption d’incompétence, de grandes machines publiques ou privées, bureaucratie, médias, publicité, technocratie, entreprises, politiques, universités, administrations, science même quelques fois…, imposent leur puissance géante en s’adressant à des imbéciles supposés, nommés grand public, méprisés par les chaînes à spectacle. En compagnie de semblables qu’ils supposent compétents, et, de plus, pas si sûrs d’eux-mêmes, les Petits Poucets, anonymes, annoncent, de leur voix diffuse, que ces dinosaures, qui prennent d’autant plus de volumes qu’ils sont en voie d’extinction, ignorent l’émergence de nouvelle compétence. »

Mon avis :
C’est un livre intéressant, quoique difficile vers la fin. Michel Serres ne donne pas son avis sur le monde dans lequel nous vivons, pas plus qu’il ne donne de solutions. Il ne fait que de le présenter avec son regard de sage pluridisciplinaire.